Existe-t-il des statuts pour une entreprise individuelle ?

L’entreprise individuelle constitue aujourd’hui la forme juridique la plus prisée par les entrepreneurs français souhaitant exercer une activité en nom propre. Avec plus de 848 200 créations recensées en 2020, cette structure séduit par sa simplicité administrative et sa flexibilité. Contrairement aux idées reçues, l’entreprise individuelle ne dispose pas de « statuts » au sens juridique strict du terme, mais elle s’inscrit dans un cadre réglementaire précis défini par le Code de commerce et le Code civil. Cette distinction fondamentale influence directement les obligations légales, fiscales et sociales de l’entrepreneur. La réforme du 15 mai 2022 a profondément modifié le paysage de l’entrepreneuriat individuel en créant un statut unique plus protecteur, rendant obsolète l’ancienne EIRL tout en simplifiant les démarches administratives.

Définition juridique de l’entreprise individuelle et cadre réglementaire français

L’entreprise individuelle se caractérise par l’absence de personnalité juridique distincte de celle de l’entrepreneur. Cette particularité fondamentale la distingue des sociétés commerciales qui, elles, possèdent une existence juridique propre matérialisée par des statuts. Le Code de commerce, dans ses articles L123-1 et suivants, encadre cette forme d’entreprise sans pour autant exiger la rédaction de statuts constitutifs.

L’entrepreneur individuel exerce son activité directement en son nom personnel , ce qui implique une confusion juridique entre la personne physique et l’activité professionnelle. Cette configuration explique pourquoi on parle d’entreprise « en nom propre » plutôt que de société. Le législateur a néanmoins prévu un cadre protecteur depuis la loi du 14 février 2022, instaurant une séparation automatique entre patrimoine personnel et professionnel.

Le cadre réglementaire français distingue plusieurs régimes applicables à l’entreprise individuelle. Chaque régime répond à des critères spécifiques de chiffre d’affaires, de nature d’activité et d’organisation comptable. Cette diversité permet aux entrepreneurs d’adapter leur structure juridique à l’évolution de leur projet professionnel. Les textes de référence incluent le Code général des impôts pour les aspects fiscaux, le Code de la sécurité sociale pour la protection sociale, et diverses dispositions du Code de commerce pour les obligations professionnelles.

Statut de l’entrepreneur individuel classique selon le code de commerce

Le statut classique d’entrepreneur individuel constitue le régime de droit commun pour l’exercice d’une activité indépendante. Ce statut s’applique automatiquement dès lors que l’entrepreneur dépasse les seuils de la micro-entreprise ou choisit volontairement de ne pas bénéficier du régime simplifié. Les obligations légales de ce statut découlent principalement des articles L123-12 et suivants du Code de commerce.

Régime de la responsabilité illimitée et patrimoine personnel

Depuis le 15 mai 2022, la responsabilité de l’entrepreneur individuel a été considérablement renforcée. Auparavant illimitée et s’étendant sur l’ensemble du patrimoine personnel, elle est désormais limitée au patrimoine professionnel par défaut. Cette évolution majeure protège automatiquement les biens personnels de l’entrepreneur sans déclaration préalable.

Le patrimoine professionnel comprend tous les biens, droits et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire et qui sont utiles à son activité professionnelle. Cette définition englobe les immeubles professionnels, le matériel, les stocks, les créances clients, mais aussi les comptes bancaires dédiés à l’activité. La résidence principale reste insaisissable sauf renonciation expresse de l’entrepreneur.

Inscription obligatoire au registre du commerce et des sociétés (RCS)

L’inscription au RCS constitue une obligation légale pour tout entrepreneur individuel exerçant une activité commerciale. Cette formalité, réalisée auprès du greffe du tribunal de commerce compétent, confère la qualité de commerçant et ouvre droit à l’utilisation d’un nom commercial. Le numéro SIREN attribué lors de cette inscription identifie de manière unique l’entreprise individuelle dans tous ses rapports administratifs et commerciaux.

Les artisans doivent quant à eux s’inscrire au Répertoire des Métiers (RM) tenu par les Chambres de Métiers et de l’Artisanat. Cette double obligation d’inscription peut concerner les entrepreneurs exerçant une activité mixte artisanale et commerciale. La réforme du guichet unique, effective depuis janvier 2023, simplifie ces démarches en centralisant toutes les formalités sur le portail unique de l’INPI.

Régimes fiscaux applicables : BIC, BNC et micro-entreprise

La fiscalité de l’entreprise individuelle s’articule autour de trois catégories principales d’imposition. Les Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC) s’appliquent aux activités d’achat-revente, de prestation de services commerciales et artisanales. Les seuils de passage du régime micro au régime réel sont fixés à 176 200 € pour les activités de vente et 72 600 € pour les prestations de services.

Les Bénéfices Non Commerciaux (BNC) concernent les professions libérales, qu’elles soient réglementées ou non. Le régime de la déclaration contrôlée s’applique dès que les recettes dépassent 72 600 € annuels. Cette catégorie fiscale impose une comptabilité de trésorerie simplifiée, avec enregistrement des recettes et dépenses selon leur date d’encaissement ou de paiement.

L’option pour l’impôt sur les sociétés, introduite par la loi du 14 février 2022, permet désormais aux entrepreneurs individuels de bénéficier du régime fiscal des sociétés tout en conservant leur statut d’entreprise individuelle.

Protection sociale du travailleur non salarié (TNS)

L’entrepreneur individuel relève obligatoirement du régime social des travailleurs non salariés (TNS), géré par la Sécurité Sociale des Indépendants (SSI). Ce statut social ouvre droit à une couverture maladie-maternité, invalidité-décès, retraite de base et complémentaire, ainsi qu’aux allocations familiales. Les cotisations sociales sont calculées sur le bénéfice net professionnel déclaré l’année précédente.

Le taux global de cotisations sociales oscille entre 40% et 45% du bénéfice, selon la nature de l’activité et les revenus. Ce taux élevé s’explique par l’absence de participation employeur, l’entrepreneur assumant seul le financement de sa protection sociale. Des cotisations minimales s’appliquent en cas de faibles revenus ou de déficit, garantissant le maintien des droits sociaux.

Statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)

L’EIRL, créée par la loi du 15 juin 2010, a cessé d’exister depuis le 15 mai 2022. Cette forme juridique permettait aux entrepreneurs individuels de limiter leur responsabilité en affectant certains biens à leur activité professionnelle. La réforme de 2022 a intégré automatiquement les avantages de l’EIRL dans le statut unique d’entrepreneur individuel, rendant obsolète cette distinction.

Mécanisme de l’affectation patrimoniale et déclaration d’affectation

Bien que l’EIRL n’existe plus, il convient de comprendre son mécanisme pour saisir l’évolution actuelle. L’affectation patrimoniale consistait à déclarer précisément quels biens étaient dédiés à l’activité professionnelle. Cette déclaration, déposée au registre tenu par les Chambres de Commerce ou les Chambres de Métiers, créait deux patrimoines distincts au sein d’une même personne physique.

La déclaration d’affectation devait être établie par nature, composition et valeur des biens affectés . Elle constituait un acte juridique engageant la responsabilité de l’entrepreneur sur l’évaluation des biens. Toute modification du patrimoine affecté nécessitait une déclaration complémentaire, alourdissant les obligations administratives.

Constitution du patrimoine professionnel selon l’article L526-7 du code de commerce

L’ancien article L526-7 du Code de commerce définissait précisément la composition du patrimoine affecté en EIRL. Cette disposition exigeait l’affectation d’au moins un bien, meuble ou immeuble, nécessaire à l’activité. Les créances professionnelles étaient automatiquement rattachées au patrimoine affecté, indépendamment de toute déclaration.

Le nouveau cadre légal reprend ces principes en les simplifiant considérablement. Désormais, tous les biens utiles à l’activité professionnelle constituent automatiquement le patrimoine professionnel, sans formalité déclarative préalable. Cette automaticité élimine les risques d’erreur ou d’omission dans la constitution du patrimoine d’affectation.

Évaluation des biens affectés par un commissaire aux comptes ou expert-comptable

L’EIRL imposait le recours à un commissaire aux comptes ou un expert-comptable pour l’évaluation des biens affectés d’une valeur supérieure à 30 000 €. Cette obligation, coûteuse pour les petites entreprises, visait à protéger les tiers en garantissant une évaluation objective du patrimoine professionnel. La responsabilité de l’évaluateur pouvait être engagée en cas d’évaluation manifestement erronée .

Le statut unique d’entrepreneur individuel a supprimé cette contrainte d’évaluation. Les biens professionnels sont désormais appréciés selon leur valeur comptable ou leur prix d’acquisition, simplifiant considérablement la gestion patrimoniale. Cette évolution réduit les coûts de création et de gestion pour les entrepreneurs.

Obligations comptables renforcées et tenue d’une comptabilité autonome

L’EIRL imposait la tenue d’une comptabilité autonome pour le patrimoine affecté, distincte des comptes personnels de l’entrepreneur. Cette exigence nécessitait l’ouverture d’un compte bancaire dédié et la production de comptes annuels spécifiques au patrimoine professionnel. Le dépôt des comptes au greffe était obligatoire , créant une publicité des informations financières.

Aujourd’hui, l’entrepreneur individuel classique doit simplement tenir une comptabilité régulière conforme à sa catégorie fiscale, sans obligation de séparation comptable formelle. Cette simplification préserve la protection patrimoniale tout en allégeant les contraintes administratives et comptables.

Micro-entreprise : régime simplifié de l’entreprise individuelle

Le régime de la micro-entreprise constitue une modalité particulière d’exercice en entreprise individuelle, caractérisée par sa simplicité administrative et fiscale exceptionnelle. Ce dispositif, issu de la fusion entre l’auto-entreprise et la micro-entreprise en 2016, séduit près de 60% des créateurs d’entreprise français. Il permet de tester une activité ou de développer un complément de revenus sans les contraintes d’une structure plus lourde.

Seuils de chiffre d’affaires 2024 : 188 700€ et 77 700€

Les seuils de chiffre d’affaires déterminent l’éligibilité au régime micro-entreprise pour 2024. Le plafond s’établit à 188 700 € HT pour les activités de vente de marchandises, d’objets, de fournitures, de denrées à emporter ou à consommer sur place, ainsi que pour les prestations d’hébergement. Pour les prestations de services commerciales, artisanales et les activités libérales, le seuil est fixé à 77 700 € HT .

Le dépassement de ces seuils entraîne automatiquement la sortie du régime micro-entreprise au 1er janvier de l’année suivante. Une période de tolérance existe néanmoins : si le dépassement reste ponctuel et n’excède pas 206 700 € pour les ventes ou 85 700 € pour les services, le maintien dans le régime reste possible une année supplémentaire.

Régime microsocial simplifié et calcul forfaitaire des cotisations

Le régime microsocial simplifie radicalement le calcul et le paiement des cotisations sociales. Les taux forfaitaires s’appliquent directement sur le chiffre d’affaires déclaré, éliminant toute complexité administrative. Pour les activités de vente, le taux global s’établit à 12,3%, incluant toutes les cotisations sociales obligatoires et la contribution à la formation professionnelle.

Les prestations de services commerciales et artisanales supportent un taux de 21,2%, tandis que les activités libérales relevant des BNC sont soumises à un taux de 21,1%.

Cette simplicité permet aux micro-entrepreneurs de connaître instantanément le coût social de leur activité, facilitant la gestion prévisionnelle et la fixation des prix.

Franchise en base de TVA et dispense d’immatriculation

La franchise en base de TVA constitue un avantage majeur du régime micro-entreprise. Tant que les seuils ne dépassent pas 91 900 € pour les ventes ou 36 800 € pour les services, le micro-entrepreneur n’est ni assujetti à la TVA, ni tenu de la facturer à ses clients. Cette exonération simplifie considérablement la gestion administrative et améliore la compétitivité prix.

Certaines activités bénéficient d’une dispense totale d’immatriculation , notamment les prestations de services non commerciales. Cette dispense concerne principalement les activités libérales et intellectuelles exercées à titre accessoire ou complémentaire. L’entrepreneur peut ainsi commencer son activité immédiatement après sa déclaration d’activité en ligne.

Versement libératoire de l’impôt sur le revenu à 1%, 1,7% ou 2,2%

L’option pour le versement libératoire permet aux micro-entrepreneurs éligibles de régler simultanément leurs cotisations

sociales et leur impôt sur le revenu. Les taux du versement libératoire varient selon l’activité : 1% pour les ventes de marchandises, 1,7% pour les prestations de services BIC, et 2,2% pour les activités libérales BNC.

Cette option reste conditionnée au respect d’un plafond de revenus du foyer fiscal. Pour 2024, le revenu fiscal de référence de l’avant-dernière année ne doit pas excéder 27 794 € par part de quotient familial. Le versement libératoire présente l’avantage de la prévisibilité mais peut s’avérer moins avantageux que l’imposition classique pour les faibles revenus, notamment en raison de l’impossibilité d’imputer les charges déductibles.

Comparaison avec les statuts de sociétés unipersonnelles : EURL et SASU

Face au choix de la structure juridique, l’entrepreneur individuel se trouve souvent en concurrence avec les sociétés unipersonnelles que sont l’EURL et la SASU. Ces trois options présentent des caractéristiques distinctes qui orientent différemment l’exercice de l’activité indépendante. La comparaison s’articule autour de critères déterminants : protection du patrimoine, régimes fiscal et social, formalisme de gestion et perspectives de développement.

L’EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée) constitue la forme unipersonnelle de la SARL. Elle offre une protection patrimoniale similaire à l’entreprise individuelle depuis 2022, mais nécessite la rédaction de statuts et la constitution d’un capital social, même symbolique. L’associé unique assume la gérance et bénéficie d’une fiscalité transparente par défaut, avec possibilité d’option pour l’impôt sur les sociétés. Les obligations comptables restent plus lourdes qu’en entreprise individuelle, avec notamment le dépôt annuel des comptes au greffe.

La SASU (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle) séduit par sa flexibilité statutaire et son régime social avantageux pour le dirigeant. Le président de SASU bénéficie du statut d’assimilé salarié, ouvrant droit à une meilleure protection sociale, notamment en matière de chômage et de retraite. Cette protection supérieure se paie par des cotisations sociales plus élevées, représentant environ 65% de la rémunération brute contre 45% pour l’entrepreneur individuel.

Le choix entre entreprise individuelle et société unipersonnelle dépend largement de l’ambition de développement et du niveau de risque accepté par l’entrepreneur.

L’entreprise individuelle conserve des avantages décisifs pour les activités nécessitant peu d’investissements et présentant des risques limités. Sa simplicité de création et de gestion, l’absence de capital minimum et la flexibilité dans la rémunération en font un choix privilégié pour tester un projet ou exercer une activité complémentaire. Les sociétés unipersonnelles conviennent davantage aux projets ambitieux nécessitant des financements externes ou une crédibilité renforcée auprès des partenaires commerciaux.

Procédures de création et formalités administratives selon le centre de formalités des entreprises (CFE)

La création d’une entreprise individuelle s’effectue désormais exclusivement par voie dématérialisée depuis janvier 2023, via le guichet unique géré par l’INPI. Cette centralisation simplifie considérablement les démarches en remplaçant l’ancien système des Centres de Formalités des Entreprises (CFE) spécialisés par secteur d’activité. L’entrepreneur n’a plus qu’un seul interlocuteur pour l’ensemble de ses formalités de création, modification ou cessation d’activité.

La procédure de création débute par la création d’un compte personnel sur le portail formalites.entreprises.gouv.fr. L’entrepreneur doit ensuite remplir un formulaire dynamique adapté à sa situation : P0 CMB pour les commerçants et artisans, P0 PL pour les professions libérales. Ce formulaire s’adapte automatiquement selon les réponses fournies, guidant l’utilisateur vers les champs obligatoires spécifiques à son activité.

Les pièces justificatives requises incluent systématiquement une copie de la pièce d’identité, une déclaration sur l’honneur de non-condamnation et de filiation, ainsi qu’un justificatif de domiciliation de l’entreprise. Pour les activités réglementées, des autorisations spécifiques doivent être jointes au dossier. Le conjoint marié sous le régime de la communauté doit fournir une attestation de consentement pour l’engagement du patrimoine commun dans l’activité professionnelle.

Les délais de traitement varient selon la complexité du dossier et l’activité exercée. Pour une entreprise individuelle classique, l’immatriculation intervient généralement sous 3 à 7 jours ouvrés après le dépôt complet du dossier. Les activités artisanales nécessitent parfois des délais supplémentaires pour l’inscription au Répertoire des Métiers. L’entrepreneur reçoit automatiquement son numéro SIREN et son extrait K ou K-bis par voie électronique, lui permettant de commencer immédiatement son activité.

Les coûts de création restent modérés comparativement aux sociétés. L’immatriculation au RCS coûte environ 37,45 € pour les commerçants, tandis que l’inscription au Répertoire des Métiers est gratuite dans la plupart des régions. Ces frais peuvent être majorés en cas de recours à un prestataire externe pour effectuer les formalités. La micro-entreprise bénéficie souvent de tarifs préférentiels, voire de la gratuité totale selon les dispositifs d’aide à la création d’entreprise.

L’entrepreneur individuel doit également s’acquitter de certaines obligations post-création. L’ouverture d’un compte bancaire professionnel devient obligatoire lorsque le chiffre d’affaires dépasse 10 000 € pendant deux années consécutives. L’adhésion à un centre de gestion agréé (CGA), bien que facultative, permet de bénéficier d’avantages fiscaux et d’un accompagnement dans la gestion de l’entreprise. Ces démarches complémentaires participent à la professionnalisation de l’activité et facilitent les relations avec les administrations et les partenaires commerciaux.

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